Voilà un éditeur qui avec un certain à-propos, alors que l’affaire Carlos Ghosn crée un véritable feuilleton, attrape la balle au bond et remet sur le devant de la scène un ouvrage de son fonds de catalogue, « Sociologie de l’élite délinquante » publié chez Armand Colin.

Quand on voit un grand patron pris la main dans le pot à confiture, les mêmes questions reviennent toujours : « les faits sont-ils avérés ? », et surtout « comment a-t-il été assez stupide et/ou cupide pour chercher à gratter un avantage au risque de mettre sa carrière en jeu ? ».

Les 2 auteurs du livre, Carla Nagels et Pascal Lascoumes, ont un discours structuré pour expliquer ces phénomènes de déviance. En synthèse, on peut résumer ainsi la situation : des acteurs économiques qui se perçoivent au-dessus des lois, sont parfois convaincus que leurs entorses sont mineures, qui disposent de réseaux de relation leur permettant d’échapper aux sanctions ; et lorsqu’il y a procès, de ressources financières leur permettant de recourir à 1.000 arguties juridiques propres à noyer le poisson.

Bien sûr les auteurs répondent de manière très documentée, en universitaires qu’ils sont, avec force exemples. Et ils décortiquent les mécanismes de connivence, avec le sphère politique ou la sphère administrative (voir en particulier le chapitre Les ambiguïtés de la rédaction sociale).

Avouons-le, l’ouvrage est un peu long. Mais c’est la marque de ce genre d’opus… comme La distinction de Pierre Bourdieu ou Le Capital du XXIème siècle de Thomas Piketty.

Et puis, on appréciera la citation d’Emile Durkheim placée en exergue : « Les classes inférieures ont du moins leur horizon limité par celles qui leur sont superposées et, par cela même, leurs désirs sont plus définis. Mais ceux qui n’ont plus que le vide au-dessus d’eux ont presque nécessité de s’y perdre, s’il n’est de force qui les retienne en arrière » (extrait Le suicide, 1930).

Alors Carlos Ghosn s’est-il pris les pieds dans le tapis ou est-il victime d’un traquenard visant à l’évincer du groupe automobile ? Il n’est pas impossible que la justice japonaise sur-joue un peu, à un moment où s’engagent des négociations serrées pour rééquilibrer le poids des forces en présence au sein de l’alliance Renault-Nissan…