Prescription quinquennale de l’action en responsabilité de l’investisseur à l’encontre du CGP lui ayant présenté une opération de défiscalisation GIRARDIN industriel : point de départ fixé au jour de la réception de la proposition de rectification fiscale lui notifiant son redressement.

Anne de Lanversin

 Soulever la prescription de l’action diligentée à l’encontre du CGP, assigné en responsabilité civile professionnelle, constitue une fin de non recevoir à ne pas négliger.

Il permet, en effet, de solliciter l’irrecevabilité de ladite action, laquelle sera rejetée, sans même que les griefs soutenus au fond par l’investisseur ne soient examinés par les juges.

L’article 2224 du Code civil fixe le point de départ de cette action au jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer.

Selon une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation, il s’agit de la date de la réalisation de son dommage ou de celle à laquelle il lui a été révélé, si celui-ci établit qu’il n’en n’avait pas eu précédemment connaissance (Cass. Com., 26/01/2010, n°08-18.354).

De nombreuses décisions sont rendues sur ce sujet, dont les jugements susvisés constituent des illustrations les plus récentes.

• En effet, le 21 janvier 2020, le Tribunal Judiciaire (TJ ex TGI) de BESANCON a déclaré irrecevable comme étant prescrite l’action diligentée par le demandeur à l’encontre de son CGP (Pôle Civil – Section 1, RG n°17/01970).

Il avait, par son intermédiaire, souscrit des parts de SEP DOM TOM DEFISCALISATION, dont on sait aujourd’hui qu’il s’agissait d’une escroquerie insoupçonnable à l’époque des faits.

Or, pour déclarer ladite action irrecevable, le TJ de BESANCON a constaté que le dommage invoqué par les demandeurs résidait dans le redressement fiscal dont ils avaient fait l’objet et qui leur avait été notifié. Il en a déduit, suivant en cela notre analyse, que la réception, par les demandeurs, de leur proposition de rectification marquait le point de départ du délai de prescription de leur action.

Le TJ a en effet retenu, qu’à cette date, ils étaient informés du principe et du montant exact du redressement encouru, ainsi que de ses motifs.

Leurs arguments ont été ainsi balayés (ils soutenaient que l’étendue exacte de leur dommage ne leur avait été révélée qu’à la suite du jugement du Tribunal Administratif de BESANCON rejetant la contestation de leur redressement).

Pour le TJ de BESANCON, le recours administratif n’a eu pour effet que de retarder la réalisation du préjudice mais non pas la connaissance dont en avait les demandeurs.

• Le TGI d’ANGERS s’était, un peu plut tôt, prononcé dans le même sens, dans un jugement du 1er octobre 2019 (1ère Chambre, RG n°17/01517, appel en cours), jugeant que « la réalisation du dommage ou la date à laquelle il est révélé à la victime intervient au jour de la réception, par le contribuable, de la proposition de rectification notifiée par l’Administration fiscale, quand bien même ledit redressement était ensuite discuté voire contesté par toutes voies de droit ».

Il a relevé que le préjudice invoqué par le demandeur résultait de la somme réclamée par l’Administration fiscale, au titre de son redressement, à la suite de l’échec de son opération de défiscalisation DTD.

Il n’était donc pas fondé à faire valoir que seule l’issue de la procédure qu’il avait diligentée devant la juridiction administrative, afin de contester ce redressement, constituait le point de départ du délai de prescription.

De la même manière, le TC du MANS, dans un jugement du 18 janvier 2019 (RG n°201700407, appel en cours) a retenu la prescription de l’action du demandeur.

S’appuyant sur la jurisprudence produite aux débats par le CGP, le TC du MANS a jugé qu’il était incontestable que la date de réception de la proposition de rectification adressée par l’Administration fiscale marquait le début du délai de prescription quinquennale.

Cette analyse ne fait cependant pas l’unanimité.

Un autre courant jurisprudentiel considère en effet que le délai de prescription commencerait à courir à compter de la réception, par le contribuable, de son avis définitif de recouvrement, en ce qu’il marquerait la fin des débats sur l’éventuelle contestation du redressement avec l’Administration fiscale.

Ce débat est donc loin d’être définitivement tranché.

- Nouvelles décisions n’ayant pas retenu la responsabilité de CGP ayant présenté des opérations de défiscalisation Loi GIRARDIN industriel

Sur l’absence de faute du CGP, en ce début d’année 2020, des décisions venant totalement exonérer la responsabilité des CGP dans des affaires DTD et ERIVAM ont été rendues par TJ d’ANGERS et celui de DIJON respectivement le 7 janvier 2020 et le 3 février 2020 (1ère Chambre, 7/01/2020, RG n°13/01835 définitif et TJ de DIJON, 3/02/2020, RG n°16/03337).

Dans l’affaire ayant donné lieu au jugement du TJ d’ANGERS, les investisseurs reprochaient à leur CGP d’avoir manqué à ses obligations d’information et de conseil lors de la présentation des deux opérations de défiscalisation DTD et ERIVAM réalisées par son intermédiaire.

• Le TJ d’ANGERS a considéré, en premier lieu, que ces opérations de défiscalisation, consistant en la souscription de parts de SEP, ne constituaient ni des opérations sur instruments financiers définis à l’article L.211 du CMF, ni des biens divers régis par les articles L.550-1 et suivants du même Code (ce qui fait l’objet d’interprétation divergente selon les juridictions).

Fidèle à sa jurisprudence antérieure, il a retenu que le CGP, étant intervenu en sa seule qualité d’intermédiaire dans le cadre de son activité de CGP, n’était pas tenu, par conséquent, de respecter ses obligations en qualité de CIF.

Il s’était déjà, en effet, prononcée en ce sens, aux termes de deux jugements du 15 mai 2017 exonérant ce même CGP de toute responsabilité, dans ces deux précédentes affaires DTD (1ère Chambre, RG n°14/02506 et RG n°14/02504).

La CA d’ANGERS, qui a confirmé, par arrêts du 29 octobre 2019 ces deux jugements, a néanmoins retenu que les opérations de défiscalisation DTD en cause constituaient des biens divers soumis à la règlementation des CIF (Chambre A – CIVILE, RG n°17/01419 et RG n°17/01420). Fort heureusement, elle a constaté que les investisseurs n’alléguaient aucun lien direct entre l’absence de remise d’une lettre de mission et le préjudice allégué et a considéré, tout comme les juges de première instance, que le CGP n’avait commis aucune faute (cf. notre précédent article Patrimoine 24 du 19 novembre 2019).

En second lieu, s’agissant du produit DTD, le TJ d’ANGERS a retenu qu’il n’incombait pas à l’intermédiaire de vérifier les modalités de l’opération et d’en surveiller la réalisation, n’étant pas chargé de sa mise en œuvre.

De la même manière, il ne pouvait lui être reproché de ne pas s’être déplacé en OUTRE-MER pour confirmer la solidité du projet.

Selon une jurisprudence constante en la matière, il a rappelé que le CGP ne saurait être tenu des obligations contractuelles du monteur en ses lieux et place.

Par ailleurs, au regard des pièces versées aux débats par le CGP (dossier de souscription décrivant avec précision le produit et note d’information sur le risque fiscal établis par la société DTD, consultations de l’avocat fiscaliste mandaté par la société DTD afin de valider le montage), aucun manquement à une obligation d’information et de conseil ne pouvait être retenu.

S’agissant du produit ERIVAM, le TJ a constaté que le monteur garantissait la réalisation de ses opérations de défiscalisation avant le 31 décembre de l’année de défiscalisation, conformément à la loi GIRADIN industriel ainsi que la livraison, le montage et la construction des centrales photovoltaïques loués aux exploitants locaux.

Par conséquent, n’étant pas tenu de suivre la réalisation des opérations exécutées par le monteur, le CGP n’avait commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité.

Enfin, le TJ d’ANGERS a également relevé l’absence de lien de causalité entre les fautes reprochées au CGP et le préjudice allégué dès lors que l’échec des opérations de défiscalisation ERIVAM résultait de l’absence de raccordement aux réseaux EDF.

• Le TJ de DIJON, dans son jugement du 3 février 2020, a également retenu l’absence de lien de causalité entre les manquements reprochés au CGP (notamment l’absence de remise d’un bilan patrimonial) et le préjudice fiscal dont se prévalait l’investisseur DTD.

Selon le TJ de DIJON, l’échec de l’opération de défiscalisation était lié, au regard des griefs de l’Administration fiscale, non au montage juridique qui ne pouvait être qualifié d’inadéquat, mais à la défaillance de la société DTD.

Ce jugement retient également qu’il avait été remis au demandeur un dossier de présentation comportant un avenant sur les garanties de DTD en cas de remise en cause de l’avantage fiscal, précisant notamment les modalités de l’opération et les conditions d’obtention de la réduction d’impôt dont il pouvait aisément se déduire le risque de redressement.

Particulièrement bien motivé, ces deux jugements du TJ d’ANGERS et de DIJON confirment que la condamnation des CGP dans le cadre du contentieux DTD est minoritaire.

• D’ailleurs, d’autres juridictions se sont récemment, dans d’autres affaires DTD, montrées favorables aux CGP, tenant ainsi compte de la particularité de ce contentieux résidant dans cette escroquerie de grande envergure mise à jour seulement fin 2010.

Dans un arrêt du 19 novembre 2019, la CA de GRENOBLE a confirmé en toutes ses dispositions un jugement du TGI de GRENOBLE du 6 novembre 2017, ayant débouté un investisseur DTD de ses demandes à l’encontre de son CGP (CA de GRENOBLE, 1ère Chambre civile, RG n°17/05782 et TGI de GRENOBLE, RG n°013/01817).

Elle a notamment retenu que rien au dossier ne démontrait que les dysfonctionnements relevés ultérieurement par l’Administration fiscale étaient connus du CGP lorsqu’il a proposé cet investissement à son client.

Quant au TC de NANTES, pour débouter l’investisseur DTD dans un jugement du 7 novembre 2019, il a notamment retenu qu’il ne pouvait être reproché au CGP de ne pas avoir alerté son client sur le risque de fraude du monteur de l’opération, risque par définition anormal, puisque résultant d’un délit qui n’a été découvert qu’à partir de 2011, soit deux années après avoir réalisée son opération de défiscalisation litigieuse (RG n°2014010141).

Auteure : Me Dounia HARBOUCHE - Avocate au Barreau de PARIS.

 

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