Alors que les gouvernements tentent de sortir progressivement leurs ouailles du confinement, l’économie semble elle encore ensommeillée et abasourdie par cet épisode de bientôt deux mois et peine à reprendre son rythme de croisière pré-crise, comme en témoigne les inscriptions au chômage aux USA la semaine passée qui ont encore atteint des sommets historiques, à 3 millions de demande, alors même que le pays était censé retrouver sa liberté…

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De même, on observe les premières faillites, ou équivalent, en particulier dans les secteurs les plus cycliques et pour les entreprises qui avaient largement tiré le levier de la dette et qui n’avaient, quoiqu‘elles disent lors de leurs diverses présentations de résultats passées, que quelques semaines de marge de manœuvre devant elles : nous noterons notamment ici les cas de Takko en Allemagne, de J.Crew et Neiman Marcus aux USA, mais également déboires probables de LBO agressifs comme SMCP (sous le nom de LBO TopSoho), Matalan ou Codere. D’autres, qui étaient déjà dans des secteurs difficiles et parvenaient à grand peine à rester à flot, ont vu leurs efforts laminés en quelques semaines comme ont pu en témoigner le dépôt de bilan d’Alinea, le redressement judiciaire de Cinq à Sec, les appels au secours de Conforama, le probable défaut de mastodontes du transport comme Hertz, American Airlines ou Thai Airways…

Les plus optimistes plaideront évidemment l’orée d’une nouvelle ère moins consommatrice et plus responsable, sans doute un peu tôt pour tirer ce genre de conclusion, tandis que les plus pessimistes argueront que les séquelles des deux mois de confinement seront sans précédent et capable de mettre à terre les économies du monde entier… Tentons ici de dresser un panorama rapide et objectif de la situation et de n’utiliser, pour nos investissements obligataires, que ce qui est le plus certain possible, laissant la spéculation de côté.

Premièrement, nous observerons que parmi les entreprises qui sont actuellement les plus en difficulté, peu représentent des surprises majeures pour les investisseurs obligataires… De tout temps les compagnies aériennes ont été des gouffres financiers, à la rentabilité très faible, aux investissements lourds et aux difficultés de restructurations majeures, de tout temps les entreprises de la mode ont eu une durée de vie relativement limitée et ont été des investissements très hasardeux pour les créanciers, depuis un certain temps enfin la grande distribution de meubles ou d’électroménager, hormis une ou deux exceptions, peine à trouver une voie de rentabilité pérenne et sombre à la défaveur du premier ralentissement économique ou d’un excès de confiance et de croissance externe (cf. Steinhoff)… Rien d’exceptionnel donc à ce que cette crise soit un révélateur, après dix années d’argent quasi gratuit et de largesses de liquidités des marchés, des excès de certaines entreprises…

Deuxièmement, notons également que pour les mois à venir les investisseurs devront aussi, pour leurs choix d’investissements, déborder voire même oublier parfois la stricte analyse financière pour se concentrer sur l’analyse historique, sociale et politique des pays, comprenant ainsi les possibilités de soutien de telle ou telle entreprise dans tel ou tel pays. Ainsi, à regarder seulement les chiffres, Europcar aurait eu probablement plus de chances de faire défaut que son concurrent Hertz ; pourtant le premier est parvenu, largement aidé par la force de persuasion de l’Etat Français, à obtenir un soutien de ses actionnaires et des banques, tandis que le premier n’a plus que quatre petits jours pour éviter la faillite… A regarder seulement les chiffres, Air France et American Airlines étaient à peu près dans la même situation de free cash flows si négatifs que quelques mois suffisaient à les couler ; le premier a bénéficié de 7 milliards d’euros de prêts garantis, l’autre ne les aura probablement pas et sombrera pour la deuxième fois en une décennie… L’interventionnisme de l’Etat, l’histoire économique et les relations entre les gouvernements et les entreprises sont donc aussi une clé dans cette crise pour savoir qui pourra s’en sortir, malgré tout ce que pourront dire les chiffres.

Attention cependant car toutes les aides consenties aux entreprises sont des prêts et non des dons, c’est-à-dire de la dette pour les entreprises. S’il est donc deux seules certitudes pour le moment, à l’heure où les entreprises elles-mêmes suspendent quasiment toutes leurs perspectives et pilotent à vue, c’est que 1/les liquidités abonderont pour assurer que le tissu économique ne se désagrège pas totalement en quelques semaines, 2/ ces liquidités seront des dettes supplémentaires au bilan de la plupart des entreprises, alourdissant au mieux le bilan et réduisant la rentabilité par leurs charges d’intérêt, au pire les coulant en quelques années au lieu de quelques semaines…

Difficile donc actuellement de céder totalement aux sirènes de quelques écartements de primes de crédit sur le segment long terme, car ils ne sont pas forcément suffisants – bien inférieurs d’ailleurs aux niveaux de 2008-2009 souvent pris comme référence - pour rémunérer le risque, tant l’incertitude est grande…

Ainsi la seule opportunité claire pour nous actuellement sont les placements de trésorerie à 1 an, sur lesquels les investisseurs peuvent retrouver, après des années de taux nuls voire négatifs, des rendements entre 2.5% et 3% pour un portefeuille obligataire équilibré, soit le rendement que la plupart des investisseurs espéraient, il y a quelques mois, sur des actifs longs, risqués et/ou peu liquides…

En voici les raisons :

1. La crise sanitaire puis financière a touché tous les segments de marché, y compris les dettes les plus sécurisées et les plus courtes.

2. Les opérateurs financiers ayant réalisé des performances très négatives sur certains actifs, ne se sont pas forcément repositionnés sur les actifs courts dont l’espérance de gain ne correspond pas à leurs moins-values sur les actions ou autres dettes risquées (émergent, haut rendement, etc.).

3. Ainsi, les taux courts restent sur des niveaux élevés, comme en témoigne par exemple le rendement actuel de 2.5% sur notre portefeuille Octo Crédit Court Terme, positionné sur 150 obligations de maturité moyenne 1.3 an et de rating moyen BBB (contre 0.4% à 0.5% de rendement il y a quelques mois).

4. Les politiques menées actuellement militent clairement pour un retour aux taux courts à zéro sur la plupart des obligations courtes car :
a. La croissance et l’inflation sont vouées à être nulles à court terme, les taux le resteront.
b. L’objectif n°1 de la BCE et des gouvernements est d’offrir une liquidité massive aux entreprises en cette période difficile (au détriment de leur solvabilité long terme).
c. Vu la hausse de l’endettement généralisée, il faudra maintenir des taux le plus bas possible pour préserver les équilibres budgétaires des Etats et entreprises
 

En résumé, vu l’ampleur de la crise et le souhait politique de maintenir le tissu économique, les gouvernements et institutions fournissent des liquidités en masse pour que les entreprises puissent faire face à leurs échéances court terme. Ce sera fait donc assez peu de risque à horizon 1 an mais seulement par une augmentation de la dette future donc : alourdissement des bilans, augmentation des charges d’intérêts, baisse des rentabilités, le tout dans une incertitude actuelle forte quant aux perspectives de chiffres d’affaires pour les 3-4 ans à venir…

Pour 2.5% à 3% de rendement, au lieu de seulement 5% à 6% pour des actifs plus longs et plus risqués (l’indice crossover 5 ans, représentant le marché ‘High Yield’ européen est actuellement à 530 de prime soit environ 5% de rendement) autant être patient et se mettre sous le parapluie des liquidités de la banque centrale pendant quelques mois et attendre, pour investir à long terme, que les entreprises publient et annoncent quelques prévisions qu’elles ont pour le moment totalement suspendues … Quels que soient les fonds, nous privilégions donc actuellement le segment court, les actifs plébiscités par les banques centrales (dette d’Etat et corporate non cyclique supérieure à BBB-) ou sur le high yield, les entreprises n’étant pas touchées par la crise actuelle (Picard) ou ayant bénéficié de soutiens de l’Etat (Air France, CMACGM).

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