Certains s’interrogent régulièrement sur la détention de leur résidence principale via une SCI. Alors, SCI ou pas SCI ? Que répondre sachant que l’intérêt de l’opération va dépendre de leur situation matrimoniale et familiale, et que l’opération visée peut s’avérer à bien des égards contraignante et jonchée d’écueils.

Voyons concrètement ces avantages et ces inconvénients.

Stphane Maljevac

Pour un couple marié, la détention de la résidence principale au travers d’une SCI permet aux époux de contourner les règles du régime matrimonial choisi par ces derniers.

Dans cette configuration, il est donc possible qu’un des époux détienne à titre d’exemple 60 % des parts sociales, et donc de la résidence principale, et l’autre 40 % seulement.

Cette détention permet donc d’écarter les règles de la communauté tout comme les règles de l’indivision sous un régime séparatiste.

Petit rappel, il est important que chaque époux réalise ces apports avec ses fonds propres constitués préalablement au mariage ; dans le cas contraire, les parts sociales acquises avec les fonds communs appartiennent à la communauté.

Pour un couple pacsé ou en concubinage, la constitution d’une SCI permet aux partenaires de PACS ou aux concubins d’assurer la protection du conjoint survivant en cas de décès.

En effet, le code civil confère à l’époux survivant des droits sur le logement au décès de son conjoint qui ne s’appliquent que partiellement ou pas du tout aux partenaires de PACS ou aux concubins.

Afin de protéger le partenaire de PACS ou le concubin, il est intéressant de créer une SCI et de répartir les parts sociales entre les conjoints associés par application du mécanisme du démembrement croisé.

Concrètement lors de la constitution de la société, chaque conjoint reçoit 50 % de la totalité des parts sociales. Dans le cadre du démembrement croisé, chacun détient ses propres parts sociales en nue-propriété, et celles de l’autre en usufruit.

De cette manière, en cas de décès, le conjoint survivant reçoit l’usufruit de ses propres parts jusque-là détenu par le conjoint décédé, et bénéficie ainsi de la pleine jouissance de la résidence principale, les héritiers recevant la nue-propriété des parts.

Cette protection n’est toutefois pas instituée en l’absence de démembrement croisé au sein de la SCI.

Attention, la détention de la résidence principale au travers d’une société civile peut faire perdre au propriétaire certains avantages civils et fiscaux dont il bénéficierait en cas de détention en direct.

Que devient la protection du "logement familial" ?

La détention de la résidence principale au sein d’une société peut faire perdre au conjoint marié non associé le bénéfice de la protection sur le logement familial, contrairement à ce qui est prévu en cas de détention en direct par l’un ou l’autre des époux.

En effet, lorsque seul l’un des époux est associé, l’autre conjoint ne dispose d’aucun titre d’occupation (car non associé, non bénéficiaire d’une autorisation d’occupation ou d’un droit au bail) ; ainsi l’époux associé et gérant de la société peut, sans l’accord du conjoint vendre le logement et l’expulser du logement.

Qui des droits viager et temporaire du conjoint survivant

La détention en société de la résidence principale, prive le conjoint survivant du bénéfice du droit de jouissance temporaire sur le logement (et son mobilier) et du droit viager d’usage et d’habitation, dont il aurait pu bénéficier si le bien avait été détenu en direct, même uniquement par son époux.

Concernant l’abattement de 20 % en matière de droit de succession

La résidence principale du défunt détenue par une société civile immobilière, ne bénéficie pas de l’abattement de 20 % prévue en matière de droit de succession, lorsque la résidence principale est occupée à la date du décès, à titre de résidence principale, par le conjoint, le partenaire de PACS, un enfant mineur ou majeur protégé.

Concernant l’abattement de 30 % en matière d’IFI

La résidence principale du défunt détenue par une société ne bénéficie pas de l’abattement de 30 % pour la valorisation à l’IFI.

Concernant l’exonération en matière de plus-values immobilières

Lorsque la résidence principale est détenue par une société civile soumise à l’impôt sur les revenus et qu’elle est mise à disposition à titre gratuit d’un des associés qui en fait sa résidence principale, l'exonération des plus-values immobilières pour vente de la résidence principale s’applique sur la plus-value en cas de cession de la résidence principale par la société ou en cas de cession des parts par l'associé.

Attention, lorsque la résidence principale est détenue par une société ayant opté pour l’impôt sur les sociétés, l’exonération des plus-values immobilières pour vente de la résidence principale ne s’applique pas. 

Concernant la sortie de certains produits d’épargne

L’acquisition de la résidence principale par le biais d’une société ne permet pas d'obtenir le déblocage anticipé des sommes détenues au sein d’un PERCO, d’un PEE, d’un PERP, d’un PER.

Concernant l’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel

Lorsque la résidence principale de l’entrepreneur est détenue au travers une société, l’entrepreneur individuel ne peut bénéficier du dispositif d’insaisissabilité : il perd ainsi le bénéfice de protection de son patrimoine immobilier privé auprès de ses créanciers professionnels.

Concernant la mise en location de la résidence principale par la société civile

Fiscalement si la résidence principale est détenue par une SCI à l'IR cette dernière demeure à l'IR si les recettes commerciales de la société n'excédent pas 10 % des recettes totales de la société. Or, si la société détient uniquement la résidence principale, elle n'a pas d'autres revenus que ceux de la location meublée, ainsi la tolérance de 10 % ne peut s'appliquer et entraîne le passage automatique à l'IS.

Le statut d’activité opérationnelle au sein de la société

Lorsque la société détient des biens de jouissance (notamment la résidence principale) et des biens professionnels, elle peut, dans certains cas, perdre le bénéfice de dispositifs fiscaux qui nécessitent une activité opérationnelle prépondérante (dispositif Dutreil, biens professionnels, et plus généralement statut de holding animatrice dans ces deux dispositifs).

Par Stéphane MALJEVAC, Directeur de l'Ingénierie Patrimoniale au sein du Groupe Crédit du Nord

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