Depuis la conclusion des Accords de Paris, les vœux de l’Union européenne sont de rompre avec la surconsommation d’énergies fossiles et de migrer vers les « énergies propres ». Plaçant ainsi la région en position avantageuse pour prendre le leadership mondial sur cette problématique. Cela était sans compter sur la Chine qui, depuis quelques années, représente une part significative des investissements mondiaux. En 2021, 37%1 des dépenses mondiales dans la transition énergétique proviennent de l’empire du Milieu, contre 19% pour l’Union européenne et 15% pour les États-Unis. Ces derniers, grâce à l’Inflation Reduction Act (IRA), se positionnent désormais en tant que concurrents sérieux pour la deuxième place sur le podium.

Stanislas Duval de la Guierce RICHELIEU GESTIONStanislas Duval de la Guierce, Référent finance durable

La transition énergétique à l’américaine est lancée, non sans tension et compromis, tandis que le Pacte vert pour l’Europe demeure plus dispersé dans sa mise en œuvre. Ces deux programmes, bien qu’initiés, sont encore en phase de développement et font l’objet d’une évolution constante.

L’IRA, qu’est-ce que c’est ?

Le plan climatique ambitieux, promulgué par les démocrates le 16 août 2022, vise à réaliser, sur une période de dix ans, une augmentation de la part des énergies vertes, une réduction des coûts dans le secteur de la santé et une augmentation des impôts sur le revenu, le tout dans le cadre d’une approche protectionniste. Ce plan figure parmi les trois principales législations élaborées depuis 2021 dans le but d’améliorer l’économie américaine, avec des dépenses substantielles2 :

  • IRA : financement climat & énergie verte (392 Md$) et santé (108 Md$) ;

  • Bipartisan Infrastructure Law (BIL) : transports (284 Md$) et infrastructure (266 Md$) ;

  • CHIPS & Science Act : semi-conducteurs et R&D (278 Md$).

Le Congressional Budget Office (CBO) estime les dépenses de l’IRA à 500 Md$3 sur la prochaine décennie. Sur ce montant, 392 Md$ seront dédiés à stimuler les secteurs impactant le climat tel que l’énergie, l’industrie, les transports, l’agriculture ou encore la gestion de l’eau. Les dépenses restantes (108 Md$) appuieront une réforme du système de santé, comprenant le prolongement de l’Affordable Care Act (plus connu sous le nom d’« Obamacare ») et une refonte du Medicare (système d’assurance-santé pour les personnes de plus de 65 ans ou répondant à certains critères).

Les investissements dans le développement durable seront principalement réalisés à travers des crédits d’impôt (55% pour les entreprises et 11% pour les particuliers), tandis que des subventions, des prêts et des aides fédérales couvriront le reste.

L’IRA prévoit plusieurs sources de revenus pour un total de 737 Md$, notamment :

  • Une réforme des médicaments sur ordonnance permettant de réduire les prix et les coûts pour le gouvernement et les consommateurs 

  • Une réforme fiscale visant à augmenter les impôts sur les sociétés (minimum 15%), les plus hauts revenus et les plus-values 

  • L’instauration d’une taxe de 1% sur les rachats d’actions ;

  • Une expansion et une modernisation de l’Internal Revenue Service (IRS)

Selon les estimations du CBO, entre les dépenses et les revenus, l’IRA devrait permettre de réduire le déficit public américain de 237 Md$ d’ici 2031.

Bien que signé en août 2022, de nombreux aspects du plan sont actuellement en cours de définition, notamment en ce qui concerne l’éligibilité des crédits d’impôt4, comportant des mesures  protectionnistes. Cette dimension assumée du plan pourrait pénaliser l’industrie européenne, suscitant des préoccupations parmi les acteurs français et européens quant à un possible déclassement dans les domaines liés aux changements climatiques. Un exemple significatif réside dans les crédits alloués aux véhicules électriques, dont les conditions administratives et protectionnistes sont probantes.

En effet, un particulier peut bénéficier d’un crédit d’impôt allant jusqu’à 7 500$5 pour l’achat d’un véhicule électrique. Sur ce montant, 3 750$ sont accordés si le véhicule contient des minéraux critiques extraits ou traités (selon une certaine limite) aux États-Unis ou un pays ayant un accord de libre-échange. Les 3 750$ restants sont octroyés, si les composants de la batterie du véhicule ont été assemblés en Amérique du Nord (États-Unis, Canada et Mexique). Le Japon est le dernier pays en date à avoir signé un accord de libre-échange pour les minéraux critiques, tandis que l’Union européenne est en cours de négociation.

Les crédits liés à la production d’électricité ou à l’hydrogène propre n’ont pas encore été définis, rendant certains impacts de l’IRA difficiles à estimer.

La réponse européenne ?

L’exécutif européen a présenté fin 2019 le Pacte vert comme “la nouvelle stratégie de croissance”6 de l’Union européenne, visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre “tout en créant des emplois et en améliorant notre qualité de vie” sur une période de 10 ans. L’IRA est venu bousculer les calendriers européens. En raison de la crainte d’une fuite des talents et des entreprises répondant à l’appel des États-Unis, l’UE souhaite accélérer ses initiatives. Cette appréhension est justifiée, comme en témoigne un sondage de DIHK indiquant que 10% des entreprises allemandes7 envisageraient de délocaliser une partie de leur production aux États-Unis pour bénéficier de l’IRA.

Il est à noter que l’aspect protectionniste de l’IRA est en désaccord avec les principes d’accord de libre-échange de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cependant, une plainte de l’Europe dans ce sens a peu de chances d’aboutir. Actuellement, l’Europe mise davantage sur les négociations de libre-échange avec les États-Unis.

La réponse de l’Europe se nomme le « plan industriel du Pacte vert » et repose sur quatre piliers : un environnement réglementaire prévisible et simplifié, un accès au financement plus rapide, le renforcement des compétences, et l’ouverture des échanges commerciaux pour des chaînes d’approvisionnement résiliantes. Trois initiatives tournent autour de ce plan :

  1. Règlement pour une industrie à zéro émission nette

  2. Législation sur les matières premières critiques

  3. Réforme de l’organisation du marché de l’électricité

Contrairement aux américains, le budget de ce plan provient des fonds principalement publics déjà déployés dans divers mécanismes comme :

  • InvestEU : un programme qui mobilise 370 Md€ d’investissements publics et privés d’ici 2027 dans des projets stratégiques pour l’UE, notamment dans les domaines de la transition verte et numérique, de la recherche et de l’innovation, des infrastructures, des PME et du social.

  • REPowerEU : une initiative qui vise à accélérer le déploiement des énergies renouvelables dans l’UE, en facilitant l’accès au financement, en simplifiant les procédures administratives, en renforçant la coopération transfrontalière et en soutenant la participation des citoyens et des communautés locales. L’UE souhaite mobiliser 300 Md€, notamment avec l’aide du programme InvestEU.

  • Fonds pour l’innovation : un fonds (40 Md€ entre 2020 et 2030) qui finance des projets innovants dans les secteurs à forte intensité carbone, tels que l’industrie, l’énergie, les transports et le captage, l’utilisation et le stockage du carbone. Il est alimenté par le système d’échange de quotas d’émission européen (UE SEQE).

  • Financement individuel par pays via leur fonds comme en Allemagne avec le Fonds spécial pour le climat et la transformation (KTF) ou en Italie avec le plan national pour la reprise et la résilience (PNRR).

Le budget total est difficilement estimable, rendant la comparaison avec celui de l’IRA complexe. De plus, l’accessibilité des financements est délicate avec des critères d’éligibilité lourds qui ne garantissent pas le financement, car certains sont contrôlés par des pays membres et non par l’Union européenne directement.

Le Pacte vert comporte malgré tout une mesure protectionniste. En plus du « plan industriel du Pacte vert », le package « Ajustement à l’objectif 55 » se compose de 12 propositions législatives8 visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55% d’ici 2030 par rapport à 1990.

Par Stanislas Duval de la Guierce, Référent finance durable

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Sources :

(1) Bloomberg : “Even With Biggest-Ever Climate Bill, US Lags China’s Green Spending”

(2) Mckinsey “The Inflation Reduction Act: Here’s what’s in it”

(3) US Congressional Budget office “Estimated Budgetary Effects of H.R. 5376, the Inflation Reduction Act of 2022,”

(4) Internal Revenue Service (IRS) : “Credits and deductions under the Inflation Reduction Act of 2022”

(5) Whitehouse : “Inflation Reduction Act Guidebook”

(6) Citation de la présidente de la Commission Ursula von der Leyen

(7) Reuters : “US subsidies appealing to German companies, survey shows”

(8) Conseil européen : “Ajustement à l’objectif 55“

 

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