Nul n’est besoin de rappeler que les deniers placés au sein d’un contrat d’assurance vie n’intègrent pas l’actif successoral du souscripteur à son décès (Art L132-13 C. Ass.)

Toutefois, il est nécessaire de tenir compte de la notion de « primes manifestement exagérées » stipulées au dernier alinéa de l’article précité.

En clair, si les versements effectués sur le contrat sont jugés disproportionnés, ces derniers réintègrent l’actif successoral du de cujus, et l’héritier percevra les sommes litigieuses en lieu et place du bénéficiaire (1).

Mais, quid de la notion de primes manifestement exagérées ? La jurisprudence a élaboré au fil du temps différents critères permettant d’apprécier le caractère exagéré ou non des primes. Il est tenu compte :

  • De l’âge du souscripteur au moment du versement,
  • De sa situation familiale et patrimoniale,
  • De l’utilité du contrat pour le souscripteur (soit le mobile réel de la souscription).

Ainsi, il a été jugé dernièrement que des primes versées représentant près de 25% du patrimoine global étaient « exagérées ». Ici, c’est l’utilité du contrat qui a été remis en cause (2).

Autre exemple, une prime de 46.000 euros a été jugée excessive. Là encore le caractère exagéré a été apprécié au regard du patrimoine global du souscripteur (la prime représentant plus de la moitié du patrimoine global, le souscripteur ne disposant par ailleurs que de revenus mensuels limités) (3)

A contrario, une prime de 15 millions de francs représentant 14% du patrimoine ne peut être jugée comme excessive (4).

In fine, on comprend que le caractère « exagéré » des primes est laissé à l’appréciation souveraine des juges. Il est nécessaire de prendre en compte la jurisprudence, par essence évolutive, et d’apporter un soin particulier au caractère de l’utilité du contrat qui semble être aujourd’hui l’élément essentiel à retenir pour les juges.

EF/FL

Voir aussi

  1. Cela a pour conséquence de corriger l’atteinte à la réserve héréditaire, l’héritier percevra en conséquence les sommes, mais elles seront soumises au barème commun du droit des successions.
  2. En l’espèce, la Cour d’appel n’avait pas retenu le caractère exagérée des primes versées eu égard au patrimoine global du souscripteur. Mais la cour de cassation en a décidé autrement, reprochant à la Cour d’appel de ne pas avoir déterminé l’utilité du contrat pour le souscripteur… Civ. 1re, 19 mars 2014, F-P+B, n° 13-12.076. Un contrat d’assurance vie doit s’inscrire dans une logique patrimoniale. Le placement ne doit pas avoir pour conséquences de restreindre le train de vie du souscripteur ou bien de réduire sa capacité à faire face aux dépenses exceptionnelles de la vie.
  3. Cass civ 2 1er juillet 2010 « Dans ces conditions, le versement de la prime de 46.000 euros représentait plus de la moitié du prix de vente (84.470 euros) et du patrimoine de Madame veuve X... qui, par ailleurs, ne disposait que de ressources limitées, sa retraite s'élevant à environ 800 euros par mois et ne lui permettant pas de couvrir l'intégralité de ses besoins, notamment de ses frais de séjour en maison de retraite. / Il apparaît, dans ces conditions, que la prime de 46.000 euros était manifestement exagérée par rapport aux facultés de Madame veuve X... »
  4. Cass civ 8 juillet 2010 « Attendu qu'après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, qu'à la date où le contrat d'assurance vie avait été souscrit (...) Madame Y... (…) avait, nonobstant sa maladie, une espérance de vie démontrée, et que le montant de la cotisation initiale, soit 15.045.000 francs, correspondait à moins de 14 % du patrimoine des époux Y..., la cour d'appel (…) a souverainement estimé, au regard des situations familiale et patrimoniale de la souscriptrice, que la prime n'était pas manifestement exagérée (…) »