Dans les cas assez fréquents où une banque consent un prêt à une société, elle exige le plus souvent la souscription d’une assurance décès sur la tête d’un associé ;  il faut veiller à bien rédiger la clause bénéficiaire du capital décès. Le taux du prêt ne fait pas tout, il faut aussi analyser ses modalités.

Anne de Lanversin

Dans une situation classique, lorsque l’emprunt est octroyé à la société : l’assurance décès repose sur la tête d’un associé et la banque est désignée bénéficiaire à concurrence des sommes qui lui sont dues. Or, dans une structure assujettie à l’IS, ou dans toute société qui établit une comptabilité commerciale, la perception du capital décès est assujettie à l’IS, car analysée comme un produit exceptionnel alors même que le capital est souscrit pour rembourser le prêt.

Pour éviter cette fiscalité particulièrement pénalisante pour la société, et donc pour les associés, il faut que le bénéficiaire du capital décès soit une personne physique, et non la banque, et ce afin que la dette existe toujours au jour du décès et ne soit pas comptabilisée en produit exceptionnel dans les comptes de cette dernière, car certes, la banque sera remboursée, mais il manquera un tiers du capital car il subira le taux de l’IS.

En outre, compte tenu que la dette est éteinte au jour du décès, la valeur de l’entreprise augmente et donc les droits de succession également. C’est d’ailleurs le même raisonnement que l’on pourrait tenir en dehors de toute société, où un particulier souscrit un prêt garanti par une assurance emprunteur.

L’autre partie qu’il faut sécuriser, c’est la banque, afin que le capital décès puisse lui revenir.

Deux solutions s’ouvrent pour éviter cette fiscalité et permettre à la banque d’être sécurisée.

1- Soit rédiger une convention « gage-espèce » directement avec la banque. Cette convention est un contrat de droit privé liant l’emprunteur, le préteur et les ayants droit de l’assuré. En cas de sinistre, les capitaux sont versés sur un compte ouvert au nom des bénéficiaires mais gagé au profit du prêteur. Dès lors la banque détient une garantie sur le capital au travers du gage sur la somme versée.
Il convient de veiller que le prêt ne prévoit pas de clause de remboursement anticipé en cas de décès. Les conséquences sont donc les suivantes : la société continue de fonctionner ; certes le prêt n’est pas remboursé mais le gage assure le remboursement en cas de défaillance mais il n’y a ni d’IS généré et la société possède toujours sa dette et donc cela engendre une fiscalité successorale minorée. En outre, à la fin du remboursement, c’est le bénéficiaire de l’assurance décès qui récupère le montant du capital versé.

2- Si l’on n’utilise pas cette convention, il est possible de prévoir le mécanisme de la « clause séquestre ». Nous sommes toujours dans le cadre d’une société contractant un prêt, l’assurance emprunteur est souscrite sur la tête du dirigeant, le bénéficiaire n’est pas la banque, mais ce sera le ou les ayant(s) droit de l’assuré. Cependant, la compagnie d’assurance devra verser le capital décès à un tiers séquestre (en l’occurrence, le Notaire, chargé de la succession du dirigeant). Ce dernier aura la charge expresse de conserver les fonds jusqu’au complet remboursement des sommes dues à la banque, ou en cas de non-remboursement, de les remettre à la banque. Afin d’éviter tout risque avec l’administration fiscale, il faut dans une société soumise à l’IS, que :
- L’octroi du prêt soit subordonné à la caution du dirigeant.
- C’est sur la tête de ce dernier que doit reposer l’assurance décès
- Enfin, les sommes provenant de l’assurance décès doivent avoir été versées chez le notaire tiers séquestre.

Ces conditions résultent de l’arrêt MUSEL (CE. 10 juillet 1992, n°110213)

Prenons l’exemple d’un chef d’entreprise, célibataire, avec un fils unique, dont la société vaut 5 000 000 d’euros avec un prêt portant sur la société, de 3 000 000 d’euros. Avec l’ingénierie décrite ci-dessus, la fiscalité de l’IS reposera sur les bénéfices de la société mais sans que ceux-ci ne soient majorés du produit exceptionnel que serait le remboursement du prêt.

Le prêt existant toujours au décès, ce dernier entrainera une décote globalement évaluée au montant restant du prêt, soit en l’occurrence 3 000 000 d’euros. L’impact sur la fiscalité successorale est énorme, soit dans le cas présent, une minoration globalement évaluée à 45% de 3.000.000 d’euros.

Afin d’éviter que l’administration fiscale considère qu’une telle opération ait pour but d’éluder les droits de succession par la création d’un passif successoral, il conviendra d’éviter que les bénéficiaires des capitaux décès, et donc que le notaire tiers séquestre, rembourse immédiatement le prêt après le décès du dirigeant.

Il conviendra de veiller à mettre en avant les raisons économiques pouvant justifier du maintien de cette garantie jusqu’à l’échéance du prêt, et notamment par exemple la constitution d’une garantie supplémentaire par rapport aux suretés réelles et personnelles que le défunt avait constitué.

Enfin, il est nécessaire de prévoir dans l’offre de prêt l’absence de déchéance du terme.

On voit que le Notaire a donc un rôle, celui de conseiller son client dans le cadre de sa démarche bancaire. Ce rôle, c’est également celui du courtier, du conseiller en gestion de patrimoine ou de l’avocat fiscaliste. C’est un bel exemple où l’interprofessionnalité joue à plein, le client sort toujours gagnant d’une interprofessionnalité voulue et non subie.


Pascal LEBEAU, Notaire.

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