La Cour de cassation a considéré dans son arrêt du 19 mars 2015 qu’un contrat d’assurance vie souscrit en adhésion simple puis transformé en co-adhésion n’entraîne pas une novation du contrat.

Le point litigieux de cet arrêt portait sur la date d’origine du contrat : l’administration fiscale considérait que la date d’origine du contrat était celle de l’adjonction du co-souscripteur et non celle de la formation du contrat par le premier souscripteur.

La raison de cette contestation est simple, le contrat d’assurance vie étant antérieur au 20 novembre 1991, les bénéficiaires du contrat ont pu percevoir les capitaux décès en exonération de droits de succession. C’est pourquoi l’administration fiscale oppose aux bénéficiaires la date d’adjonction du co-souscripteur en 1995 comme étant une novation sur la base d’une réponse ministérielle du 6 mars 2000 qui avait précisé :  

 « Il y a lieu de considérer que la transformation d’un contrat d’assurance à souscripteur unique en contrat en adhésion conjointe constitue une novation de ce contrat. Il convient dès lors de prendre en considération la date de la transformation pour déterminer le régime fiscal applicable en matière de droits d’enregistrement et d’impôt sur le revenu au nouveau contrat ».

Cette considération avait pour conséquence de rendre les primes, qui était exonérées, imposables à un taux de 55%*.

En contestant la décision de l’Administration fiscale, la Cour de cassation rend un arrêt d’une grande importance, favorable aux assurés. Néanmoins, la lecture de cet arrêt ne doit pas nous laisser croire que le contrat d’assurance vie est désormais le contrat de tous les possibles et cela pour plusieurs raisons :

  • L’adjonction d’un second souscripteur a modifié les conditions de dénouement du contrat en ce que celui-ci s’est dénoué au second décès des assurés et non, comme prévu initialement, au décès du premier assuré.
  • Cette même adjonction a également modifié l’obligation de couverture du risque initial de l’assureur. Ne doit-on pas considérer que cette modification ne peut s’opérer que par substitution d’un nouveau contrat à l’ancien ?
  • Si le souscripteur initial a une espérance de vie très limitée et que la survie du co-souscripteur est certaine, cette adjonction tardive, pourrait être considérée comme abusive si elle recherche « exclusivement » le bénéfice d’une fiscalité plus favorable lors du dénouement du contrat par décès.

Ces trois éléments pourraient bien amener d’une part la Cour de cassation à modifier sa propre décision et d’autre part à inciter l’administration fiscale à se placer sur le terrain de l’abus de droit***.

Il s’agit toutefois d’une excellente nouvelle pour tous les époux mariés sous un régime de communauté**, leur offrant ainsi la possibilité de bénéficier le cas échéant de l’antériorité fiscale acquise par le contrat d’assurance vie de l’un ou de l’autre époux, et de remédier aux conséquences de la réponse ministérielle Bacquet****.

Brigitte Baillot, Directeur juridique et fiscal

Voir aussi

* Les primes d’un montant supérieur à 30.500 euros sont taxées aux droits de succession en fonction du lien de parenté entre les bénéficiaires et le souscripteur. En l’espèce, les bénéficiaires étant les neveux et nièces du souscripteur, le taux applicable est celui de 55%.

** L’adjonction d’un nouveau souscripteur devrait être réservée aux époux mariés sous le régime de la communauté universelle ou de la communauté légale et nécessitera une analyse précise de chaque cas : fiscalité du contrat, bénéficiaires désignés…

*** Une confirmation de cette position a d’ores et déjà été demandée à l’administration fiscale, par voie de question ministérielle du 16 juillet 2015 posée au ministre des Finances et des comptes publics.

**** Rappelons en effet que la co-souscription détenue conjointement par les époux avec le dénouement du contrat au premier décès entraine le règlement du capital décès ; le conjoint survivant n’étant plus titulaire du contrat, il n’est pas concerné par la réponse ministérielle Bacquet, c’est-à-dire par la réintégration de la moitié de la valeur de rachat du contrat du conjoint survivant dans la succession de l’époux décédé.