La nécessaire décroissance du PIB va conduire les financiers à se réinventer.

Jean-Marc Jancovici, diplômé de Polytechnique, développeur principal du bilan carbone et fondateur de Carbone 4 et The Shift Project, est venu tirer l’oreille des participants de la conférence sur la question de la transition énergétique.

Pour Jean-Marc Jancovici, l’histoire montre que l’évolution des activités humaines a conduit à utiliser de nouvelles sources d’énergie, sans pour autant abandonner les anciennes. A ce titre, le recours aux énergies renouvelables n’a pas permis de décarboner l’économie.

Grâce aux machines et au recours aux énergies fossiles, la puissance musculaire de l’humanité a été multipliée par 200 en moyenne dans le monde. Ce qui nous a donné accès aux vacances, aux études longues, au droit à la retraite,…

Or, compte tenu du stock de CO2 qui stagne durablement dans l’atmosphère, et de nos émissions actuelles, il serait illusoire de compter uniquement sur des sauts technologiques pour diviser nos émissions de CO2 par 4 et maintenir nos modes de vie.

Pour éviter le pire, dont des guerres, il faudrait baisser le PIB de 3% par an. Autrement dit, les nouveaux nés devraient émettre leur vie durant qu’un dixième des gaz à effet de serre qu’émettaient leurs grands-parents. D’autant plus que certaines ressources fossiles vont s’épuiser.

En conclusion, Jean-Marc Jancovici estime que les professionnels de la finance doivent sans tarder renforcer leurs équipes et réviser leurs modèles pour intégrer cette nouvelle donne.

L’identification de grandes tendances incontournables structure nos choix

Zehrid Osmani, Responsable de la stratégie Global Long-Term Unconstrained chez Martin Currie, constate que nous sommes rentrés dans une phase de ralentissement sévère de l’économie mondiale, avec la réapparition d’une forte inflation frictionnelle et un resserrement spectaculaire des taux directeurs dans un temps très faible.

Dans ce contexte, les profits devraient selon lui rester stables outre-Atlantique et chuter de 5% en Europe. Il faut s’attendre à une vague de profit warnings.

Pour éviter la tempête, Zehrid Osmani continue à privilégier les entreprises qui évoluent dans des secteurs porteurs et qui disposent d’un solide « pricing power ».

Et, certaines valeurs, ayant du potentiel, s’inscrivent dans trois mégatendances, qui vont rester vraies pendant des décennies : les changements démographiques, le futur de la technologie et la raréfaction des ressources.

La stratégie qu’il gère se concentre ainsi sur des valeurs inscrites dans des écosystèmes, qui correspondent à plusieurs de ces mégatendances, comme la mobilité électrique, les infrastructures de santé ou encore le métavers.

L’investissement ESG implique de ne rien négliger

Trois de nos gérants de portefeuille ont expliqué en détail comment l'allocation de leurs investissements à des entreprises durables peut favoriser les rendements à long terme.

Chez Martin Currie (Zehrid Osmani), la recherche intègre des critères extra-financiers, comme le paiement des impôts, la confiance accordée par les consommateurs ou la gestion de l’eau. La quête de la performance va beaucoup plus loin que le retour de l’investissement à court terme.

Sur le marché américain, les équipes de Derek Deutsch (ClearBridge Investments) ont exclu de leur portefeuilles les armes controversées, les paris, le tabac et les combustibles fossiles. Elles considèrent que l’univers d’investissement est suffisamment vaste pour trouver suffisamment de pépites, y compris au niveau des énergies globales. Alors qu’il serait tentant de constituer un portefeuille 100% vert (article 9 du SFDR), il préfère challenger certaines industries controversées, comme la chimie, afin de les pousser dans une démarche de progrès.

Pour Andrew Ness du Franklin Emerging Markets Equity, présent sur les marchés émergents, il serait naïf d’avoir une vision binaire des entreprises, soit complètement bonne soit complètement mauvaise. Ce qui suppose de faire des 

compromis et de veiller sans cesse à ce que la croissance du portefeuille ne se fasse pas aux dépens de certaines parties prenantes.

Les fonds thématiques devraient continuer à surperformer

Les multinationales ont annoncé leur engagement de baisse des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030, ce qui donne une bonne visibilité sur leurs feuilles de route.

Craig Cameron (Templeton Global Equity Group), qui gère une stratégie d’investissement orientée sur le changement climatique, cherche ses cibles parmi les valeurs qui affichent clairement un scénario zéro émission nette ; un processus qui ne l’empêche pas d’investir dans des métiers intenses en carbone, comme les industries extractives. Ce champ d’activité va bénéficier structurellement d’une forte demande compte tenu des besoins liés à la transition.

Pour Charles Hamieh (ClearBridge Investments), les infrastructures (cotées) constituent une classe d’actifs à part entière. Elles ont déjà démontré dans le passé une bonne résistance à l’inflation. Elles sont indispensables pour décarboner l’économie et contribuer à la relocalisation des chaines d’approvisionnement.

Matt Moberg (Franklin Equity Group), spécialiste de l’innovation et de la transformation digitale, estime que bien que les entreprises les plus innovantes soient les mieux couvertes par les médias, leurs valorisations donnent parfois lieu à des incohérences, et dont il saisit les opportunités.