Voici une décision récente et marquante touchant la Responsabilité Civile Professionnelle (RCP) des Conseillers en Gestion de Patrimoine (CGP).

- Dans un jugement définitif du 1er avril 2019, le TGI de GRENOBLE, amené à se prononcer sur la responsabilité d’un courtier d’assurance lors de la souscription d’un contrat d’assurance vie libellé en EMTN, rappelle ses obligations à l’égard du souscripteur

Pour mémoire, par un arrêt rendu le 23 novembre 2017 (Cass civ. 2, n°16-22620), la Cour de cassation avait censuré celui rendu le 21 juin 2016 par la CA de PARIS (Pôle 2, 5ème Chambre, n°15/00317), lequel avait remis en cause l’éligibilité des EMTN aux CAV, en tant qu’UC.

A cette occasion, la Cour de cassation avait confirmé qu’un EMTN pouvait être assimilé à une obligation et pouvait, par conséquent, être proposé, comme UC, à la souscription d’un contrat d’assurance vie. Elle renvoyait les débats devant la Cour d’appel de PARIS, autrement composée, afin de se prononcer sur l’éligibilité de l’EMTN en cause, ce qui a été validé par l’arrêt du 11 avril 2019.

Amené à se prononcer sur la même question, le TGI de GRENOBLE a écarté tout manquement du courtier d’assurance à ses obligations d’information, de conseil et de mise en garde, dans un jugement particulièrement motivé.

Dans cette affaire, les souscripteurs avaient effectué un arbitrage au profit d’un premier EMTN puis, compte tenu des contre-performances de ce dernier, en faveur, d’un second, afin de tenter de récupérer les capitaux initialement investis.

Ils ont remis en cause ces arbitrages invoquant la non-éligibilité de ces EMTN. Ils ont alors assigné uniquement leur courtier, lui reprochant de leur avoir proposé un support non conforme à l’article L.131-1 du Code des assurances, n’offrant pas une protection suffisante de leur épargne.

Ils ont par ailleurs soutenu que leur courtier leur avait proposé des produits spéculatifs à risque, sans tenir compte de leurs objectifs, et en omettant de leur expliquer leur fonctionnement.

Or, le TGI de GRENOBLE a retenu que les souscripteurs ne rapportaient pas la moindre preuve de l’inéligibilité des EMTN sélectionnés et de leur soi-disant caractère spéculatif. Puis le TGI a rappelé les grands principes régissant la RCP du courtier d’assurance à l’égard du souscripteur :
- L’informer sur les avantages et les inconvénients (risques de perte en capital, toutes circonstances raisonnablement prévisibles susceptibles de priver l’investisseur du résultat escompté).
- Lui fournir des renseignements précis, objectifs et cohérents avec l’investissement proposé.
- Le guider dans ses choix, lui fournir un conseil adapté en fonction de l’évaluation de son expérience, de ses besoins, de ses objectifs et de sa situation financière.
- L’éclairer sur les conséquences juridiques et fiscales de ses choix.
- Ne pas s’immiscer dans ses affaires (le principe du libre choix du client)
- Engage sa responsabilité en lui fournissant un conseil inadapté à sa situation personnelle portée à sa connaissance.
- Son obligation de conseil et de mise en garde est une obligation de moyen dont la charge de la preuve lui incombe

Il a donc considéré, après un examen minutieux de l’ensemble des documents d’information précontractuels et contractuels remis aux souscripteurs qui avaient reconnu les avoir reçus, que leur courtier avait, à plusieurs reprises, attiré leur attention sur les risques inhérents aux supports proposés (connaissance des fluctuations possibles à la baisse).

 

Me Dounia HARBOUCHE
Avocate au Barreau de PARIS
Membre du comité éditorial de Patrimoine24