Dans un jugement du 3/09/2019, la chambre commerciale du TGI de METZ rappelle, sans surprise, que l’efficacité d’un acte de nantissement portant sur un contrat d’assurance vie destiné à garantir un prêt bancaire dépend largement des diligences de la banque, créancier nanti.

Dounia HarboucheUn souscripteur détenait un contrat d’assurance vie sur lequel il avait versé des primes pour une somme totale de 1.700.000 €.

Peu après la souscription en 2005 par l’intermédiaire de son courtier d’assurance, la compagnie d’assurance, notre cliente, lui avait consenti une avance d’environ un million d’euros puis le souscripteur avait effectué des rachats partiels ramenant la valeur de rachat à 5.000 € en 2012.

Sept ans après la souscription de ce contrat, soit en 2012, l’Assureur se voit signifier par exploit d’huissier un acte Sous Seing Privé de nantissement concernant ce contrat, en garantie d’un prêt in fine consenti au souscripteur et à son épouse, à hauteur de 1.676.939 €, par la banque.

Cet acte de nantissement avait été régularisé par acte SSP dès 2005, quelques jours avant la souscription du contrat d’assurance, ce que le TGI de METZ a relevé comme constituant déjà une première anomalie.

Il s’avérait que la banque avait, dès 2005, procédé à sa signification, mais par erreur auprès du courtier d’assurance et non auprès de l’Assureur. Aussi, elle avait procédé à une 2nde signification en 2012, cette fois-ci au nom et à l’adresse de l’assureur, afin de régularisation.

Eprouvant toutes les difficultés à recouvrer sa créance auprès des emprunteurs à l’arrivée à l’échéance du prêt in fine, la banque a assigné l’assureur ainsi que le courtier devant le TGI de METZ afin de les voir solidairement condamnés à lui verser le montant du nantissement.

Elle leur reprochait d’avoir perdu toute chance d’exécuter le nantissement consenti à son profit en raison des rachats partiels autorisés par l’assureur postérieurement à l’acte de nantissement.

Le TGI de METZ l’a bien évidemment déboutée de toutes ses demandes, relevant d’une part que l’acte de nantissement ne prévoyait aucune restriction aux prérogatives du souscripteur et que d’autre part, les rachats partiels étaient tous intervenus bien avant que la banque ne procède à la régularisation de la signification du nantissement au siège social de l’assureur.

Ainsi, les juges ont constaté qu’il n’existait aucun lieu de causalité entre les fautes invoquées par la banque à l’encontre de l’assureur et du courtier et le préjudice allégué par cette dernière.

Selon le TGI de METZ, la banque « en qualité de professionnelle du crédit, rompue à la vie des affaires et en particulier au secteur des assurances » ne pouvait raisonnablement ignorer en quelle qualité était intervenue le courtier, lequel n’avait pas pouvoir d’accepter la signification du nantissement pour le compte de l’assureur, en l’absence de la démonstration de l’existence d’un quelconque mandat apparent. Rappelons que le courtier est le mandataire du souscripteur et non de l’assureur.

Par ce jugement, le TGI de METZ rappelle que le nantissement d’un contrat d’assurance vie prévu par l’article L.132-10 du Code des assurances n’est efficace, lorsque l’assureur n’intervient pas à l’acte, que si les formalités de l’article 2075 du Code civil sont strictement respectées (devenu article 2362 du Code civil depuis l’entrée en vigueur le 24 mars 2006 de l’Ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006).

L’acte de nantissement est inopposable à l’assureur lorsque cet acte ne lui a pas été régulièrement signifié, ce qui était le cas, en l’espèce.

Enfin, le courtier n’a pas été condamné car le Tribunal a retenu une faute inexcusable de la banque lors de la première signification.

En conclusion, le courtier aurait pu être condamné pour ne pas avoir répondu avec sincérité à l’Huissier lui ayant présenté la première signification erronée. Par ailleurs, son obligation de loyauté à l’égard de son partenaire Assureur aurait dû le conduire à l’informer également de cette erreur.

Dounia HARBOUCHE, avocat à la Cour