Pour la première fois, dans deux arrêts du 29 octobre 2019, la CA d’ANGERS s’est prononcée sur la RCP d’un CGP.

Dounia Harbouche

Pour la première fois, dans deux arrêts du 29 octobre 2019 (Chambre A – CIVILE, RG n°17/01419 et RG n°17/01420), la CA d’ANGERS s’est prononcée sur la RCP d’un CGP, assigné par des investisseurs ayant souscrit, par son intermédiaire, les opérations de défiscalisation DTD, dont on sait désormais qu’il s’agissait d’une escroquerie montée de toutes pièces par le promoteur de ce produit.
En première instance, le TGI d’ANGERS avaient déjà considéré que le CGP n’avait commis aucune faute ; les jugements entrepris du 15 mai 2017 (1ère Chambre, RG n°14/02506 et RG n°14/02504) ayant retenu que le CGP avait respecté la mission confiée par ses clients.
La CA d’ANGERS confirme ces deux jugements (les appelants étant condamnés à verser au CGP une indemnité de 4.800 € au titre de l’article 700 du CPC de première instance et d’appel).
En effet, les arguments invoqués par les adversaires en appel n’ont pas plus convaincu les juges.
La CA d’ANGERS a constaté que le dossier de souscription remis aux investisseurs comportait bien une information suffisante sur le projet qui s’inscrivait dans un secteur d’avenir et était cohérent au regard d’une part du montage juridique (de surcroit validé par un cabinet d’avocat fiscaliste- ancien inspecteur des impôts) et du schéma d’intégration verticale mis en œuvre.
Les PV d’huissiers produits aux débats démontraient bien la présence de matériels livrés sur place. La CA d’ANGERS relève d’ailleurs que les dossiers de souscription remis aux investisseurs précisaient que DTD disposait en permanence d’un stock de produits industriels financés par son partenaire LYNX INDUSTRIES, ce qui théoriquement permettait d’assurer l’effectivité des opérations, dans les délais requis.
La CA d’ANGERS a également retenu que la localisation du siège social de LYNX INDUSTRIES aux ETATS-UNIS ne suffisait pas à remettre en cause la fiabilité de la garantie offerte par cette dernière en cas de remise en cause de l’avantage fiscal.
Ainsi, au regard des diligences accomplies, le CGP n’avait pas à effectuer de vérifications plus poussées, et notamment, à s’assurer sur le terrain que chaque projet annoncé était effectivement réalisé, ce qui aurait été d’ailleurs matériellement impossible.
Enfin, la CA d’ANGERS, accueillant favorablement nos arguments, a jugé qu’il n’existait aucun lien de causalité entre les griefs des investisseurs à l’encontre du CGP et les préjudices subis.
En effet, si elle a retenu que les opérations de défiscalisation en cause constituaient des biens divers soumis à la règlementation des CIF, elle a néanmoins relevé que les investisseurs n’alléguaient aucun lien direct entre l’absence de remise d’une lettre de mission et le préjudice invoqué.
Elle rappelle d’ailleurs que la sanction encourue en cas d’inobservation de cette obligation n’est pas civile, mais bien règlementaire.
En outre, elle constate que l’Administration fiscale n’avait pas fondé ses redressements en raison d’un défaut de capacité opérationnelle d’un matériel existant, livré et affecté aux investissements financés par les investisseurs dans les délais, écartant ainsi le débat sur le défaut de raccordement effectif au réseau EDF.
La CA d’ANGERS rappelle en effet que les opérations de défiscalisation ont été disqualifiées en l’absence de preuves de leur existence compte tenu notamment de la disproportion entre les fonds collectés par DTD et le matériel effectivement livré sur place.
Elle en déduit que le préjudice subi par les investisseurs ne pouvait par conséquent avoir pour origine un défaut d’information sur les conditions de la mise en œuvre de la loi GIRARDIN industriel et sur les risques encourus.
Selon la CA d’ANGERS, l’origine des redressements fiscaux consiste en la nature illusoire des activités prétendument mise en œuvre par DTD à la suite des souscriptions, par les investisseurs, des parts de Société En Participation.
Aussi, elle en déduit que le CGP ne saurait répondre de l’échec des opérations de défiscalisation en cause, qui ne résulte pas d’un quelconque manquement à ses obligations d’information et de conseil mais de la carence du monteur. Elle rappelle que ce dernier n’a respecté aucun de ses engagements, ayant détourné les fonds collectés au détriment des investisseurs.
Ces deux décisions, particulièrement bien motivées, sont par conséquent les bienvenues dans un contexte où la jurisprudence reste encore fluctuante sur la responsabilité des CGP ayant commercialisé des produits dans le cadre de la Loi GIRARDIN Industriel. 

Dounia HARBOUCHE
Avocate au Barreau de PARIS
Membre du comité éditorial de Patrimoine24