Alors que de plus en plus d’analystes se demandaient si Warren Buffet avait perdu son « mojo » (ou son fameux flair), son conglomérat Berkshire Hathaway vient d’annoncer acheter Dominion Energy pour 10 milliards de dollars (dette incluse). En investissant davantage dans le gaz naturel, l’oracle d’Omaha nous prouve une nouvelle fois qu’il est immortel en pariant sur la transition énergétique. Synthèse et analyse du gaz naturel.

 a. Les faits

Berkshire Hathaway a dépensé 4 milliards de dollars pour acheter les actifs de transport et de stockage de gaz naturel de Dominion Energy. Si l'on inclut la reprise de la dette, l'opération s'élève à près de 10 milliards de dollars. C'est le premier achat important de Berkshire depuis la pandémie de coronavirus et l'effondrement du marché qui a suivi en mars.

Lors de son assemblée annuelle des actionnaires en mai, Warren Buffett a révélé que Berkshire avait accumulé une réserve de liquidités record de 137 milliards de dollars alors que le marché financier s'effondrait, et qu'il n'avait pas vu beaucoup d'opérations favorables.

Rappelons ici que les mesures rapides prises par la Réserve fédérale cette année ont permis aux entreprises d'avoir un meilleur accès au financement sur les marchés publics que pendant la crise financière de 2008 et 2009. Warren Buffet avait effectivement fait office de prêteur en dernier ressort lors de la dernière crise en prenant des participations dans des banques américaines notamment.

Pour Berkshire, cette décision accroît considérablement son emprise dans le secteur du gaz naturel puisque Berkshire Hathaway Energy transportera 18 % de tout le transport de gaz naturel inter-États aux États- Unis, contre 8 % actuellement.

Se pose alors la question de savoir pourquoi il s’intéresse aujourd’hui à ce type de secteurs.

b. Définition

Selon la définition, le gaz naturel est un combustible fossile constitué d'un mélange d'hydrocarbures gazeux, dont le méthane (CH4) est l'un des principaux composants. Formé par la transformation d'organismes morts il y a des millions d'années, le gaz naturel se trouve dans divers réservoirs souterrains, parfois associé à du pétrole. Le gaz naturel est exploité pour la production de chaleur et d'électricité, ainsi que dans le cadre de processus industriels.

Le terme « énergie verte » est employé pour désigner des énergies renouvelables comme les énergies solaires, éoliennes ou hydrauliques. Ainsi, le gaz naturel, combustible fossile, ne peut pas être qualifié d'énergie verte, mais plutôt d’énergie « de transition ».

Le biogaz, en revanche, entre bel et bien dans cette catégorie particulièrement prisée en ces temps de transition écologique.

c. Comment acheminer le gaz naturel ?

Le gaz naturel ne peut être transporté par gazoduc que s'il est transformé en gaz naturel liquéfié (GNL), un processus qui le refroidit à -260 degrés Fahrenheit et en réduit le volume 600 fois. Le GNL peut ainsi être acheminé par des navires-transporteurs de gaz vers des installations d'importation de GNL, où il subit un processus de regazéification pour pouvoir être acheminé par des gazoducs locaux.

Bien que les installations de GNL soient coûteuses à construire, la demande de gaz en forte croissance dans des pays comme la Chine alimente un boom de la construction dans le monde entier.

Toutefois, malgré cette croissance, le monde pourrait être confronté à un manque de GNL au cours de la prochaine décennie, à moins que les entreprises énergétiques ne commencent à construire rapidement d'autres installations de GNL.

d. Pourquoi le gaz naturel tire son épingle du jeu ?

Si nous sommes de prime abord beaucoup plus intéressés par l’énergie totalement verte (éolien, hydraulique, solaire ...), le gaz naturel peut s’avérer être une bonne énergie de transition et ceci pour plusieurs raisons :

  • Du mieux en terme d’émission de CO2
    Le gaz naturel émet 20 % de dioxyde de carbone de moins que le pétrole et 40 % de moins que le charbon, ce qui en fait le combustible fossile le plus propre.

    C'est pourquoi les pays peuvent réduire leurs émissions en remplaçant les centrales électriques au charbon par celles alimentées au gaz naturel. Cela a été le cas aux États-Unis ces dernières années. Selon l'Administration américaine de l'information sur l'énergie les émissions du pays ont diminué de 14 % depuis le pic de 2005, dont les deux tiers sont dus au passage au gaz naturel pour la production d'électricité.

    Avec l'augmentation des préoccupations liées au changement climatique, la capacité du gaz naturel à réduire les émissions sera un autre facteur qui alimentera la croissance de la demande. Enfin, la combustion du gaz naturel n'émet par ailleurs quasiment pas de dioxyde de soufre (SO2), de poussières, de suies ou de fumées.

  • Des synergies avec l’énergie renouvelable
    Le gaz naturel est complémentaire des énergies renouvelables et contribue à répondre aux besoins énergétiques mondiaux tout en réduisant les émissions de carbone.

    En effet, les énergies renouvelables peuvent être des sources intermittentes, car le vent ne souffle pas toujours et le soleil ne brille pas toujours. Le gaz naturel, en revanche, produit de l'électricité à la demande, ce qui lui donne la souplesse nécessaire pour combler les lacunes lorsque les énergies renouvelables ne produisent pas assez d'énergie pour répondre à la demande.

    Selon l'Agence internationale de l'énergie, il est beaucoup moins cher que les options de stockage d'énergie à base de batteries. De ce fait, le gaz naturel a un rôle important à jouer pour compléter les solutions énergétiques à faible teneur en carbone en offrant la flexibilité nécessaire pour soutenir la part croissante des énergies renouvelables dans la production d'électricité.

  • Du gaz en abondance
    Selon un rapport de l'Administration américaine de l'information sur l'énergie, les États-Unis disposent de 2,5 quadrillions de pieds cubes (cubic feet) de ressources en gaz naturel récupérables. C'est suffisant pour que le pays puisse « vivre » environ 90 ans au rythme de consommation actuel contrairement au pétrole par exemple.

    Pendant ce temps, les réserves mondiales totales de gaz sont estimées à près de 7 quadrillions de pieds cubes, la Russie étant le principal détenteur de réserves. Le gaz naturel étant si abondant, il y en a en abondance pour répondre à la demande croissante.

e. Vive la Chine !

Les États-Unis ont consommé 20,1 % de tout le gaz naturel produit en 2017, soit près du double de la consommation de la Russie, qui était le deuxième marché en importance avec 11,6 %. Cette année-là, un nouveau « plan de chauffage propre » a fixé des objectifs pour que chaque année, dans les 4 ans à venir, environ 3 millions de foyers ruraux du nord de la Chine passent d’une chaudière à charbon à un chauffage plus propre. L'objectif de la Chine est de réduire la part du charbon dans le mix énergétique primaire à moins de 58% d'ici fin 2020, contre 71% en 2010. En 2018, ce chiffre s’élève à 61%.

Cependant, la Chine est l'un des marchés les plus importants pour le gaz dans les années à venir. La demande du pays a fait un bond de 15 % en 2017 et devrait augmenter de près de 200 % d'ici 2040, grâce à l'abandon continu du charbon au profit du gaz naturel et des énergies renouvelables pour alimenter son économie, qui devrait plus que doubler au cours de cette période. La Chine est devenue le deuxième plus grand contributeur à la croissance de la demande mondiale de gaz en 2018 (25 %), derrière les États-Unis (48%).

En terme de production cette fois-ci, le pays a connu une croissance plus rapide de gaz naturel en avril. La production a grimpé de 14,3% en glissement annuel pour atteindre 16,1 milliards de mètres cubes en avril, soit une hausse de 3,1 points de pourcentage par rapport au mois de mars. La production quotidienne moyenne a atteint 540 millions de mètres cubes. Au cours des quatre premiers mois de l'année, la production de gaz naturel du pays a augmenté de 10,3% sur un an à 64,4 milliards de mètres cubes.

f. Des projections encourageantes

D’après l’étude de Enerdata, la demande mondiale de gaz devrait atteindre environ 5 135 Gm3 en 2040 (contre 3 758 Gm3 en 2017). Une grande partie de cette demande provient des pays asiatiques, qui devraient contribuer à environ un tiers de la hausse de la demande totale. Le gaz représentera 26% de la demande mondiale d'énergie primaire en 2040 d’après le scénario EnerBlue6, contre 22% en 2018. Les volumes de gaz commercialisés augmentent mécaniquement, les importations en provenance des principaux pays importateurs doublent entre 2017 et 2040 (EnerBlue).

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Le secteur du GNL sera fortement impacté, sa part dans les échanges mondiaux de gaz passant d'un tiers en 2017 à 60% en 2040. Du côté de la demande, l'Asie sera le moteur de la croissance des importations de GNL, ce qui nécessitera des développements significatifs de capacités de regazéification. Ceux-ci seront principalement concentrés en Chine et en Inde, mais aussi en Europe, où chacun devrait fournir 19% des développements futurs.

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g. La crise est aussi passée par là

Avec une baisse historique de la consommation mondiale liée principalement au confinement, le prix du GNL s’est littéralement effondré à l’image du prix du baril de pétrole.

L’Agence Internationale de l’Energie pense que la demande de gaz va diminuer de 4% cette année à 150 milliards m3. Cette baisse est supérieure à la crise de 2008 (-2%).

L’année dernière, la demande de gaz avait augmenté de 1,8% notamment pour la production d’électricité et le chauffage.

h. Qui sont les leaders ?

Vous n’êtes pas sans savoir que nous ne recommandons pas les entreprises liées à l’énergie fossile pour des questions ESG. Cependant, on peut rappeler ici qui sont les leaders dans cette industrie (mais pas forcément les « best in class » en terme d’émanation CO2) :

• Gazprom
• Total
• Royal Dutch Shell
• Equinor
• China National Petroleum

i. Synthèse

J’ai conscience que le gaz liquide n’est pas, à proprement parlé, considéré comme une énergie verte, cependant le mouvement amorcé par Berkshire Hathaway n’est pas anodin. En effet, la transition énergétique vers un monde plus « vert » ne se fera pas du jour au lendemain, mais bien par paliers. C’est donc un bon début et surtout une potentielle prise de conscience historique que les énergies plus vertes prendront progressivement le dessus sur le charbon et le gaz de schiste par exemple.

 

perialam

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