A partir du mois de février, notre préoccupation en tant que « Risk Managers » était de comprendre la nature du risque qui menaçait les marchés. S’agissant d’une menace virale, le risque prenait la même forme que lors de la crise bancaire de 2008 (même si tout semble distinguer les deux crises), celle d’une propagation exponentielle. C’est-à-dire un schéma qui passe par une phase initiale de forte accélération suivie, selon que la crise est plus ou moins bien gérée, par une décrue elle-aussi très rapide, mais qui ne s’arrête pas là car continuent ensuite des résurgences, probablement moins violentes, mais qui doivent tout de même être gérées.

savings 2789112 1280La clé dans ce type de crise, comme en 2008 lors de la contagion de la faillite de Lehman au secteur bancaire global, est d’abord d’agir vite dans la gestion du risque, car dans une accélération exponentielle le danger est d’avoir toujours un temps de retard sur la réalité. Et donc la mise en œuvre de la flexibilité est essentielle, comme elle l’est ensuite pour ne pas manquer la décrue du risque, elle aussi très rapide, comme elle l’avait été en mars 2009.

Cette compréhension de la dynamique de la crise, et la faculté de la mettre en œuvre de façon très disciplinée par de très vigoureuses variations du taux d’exposition actions était la condition première d’une performance correcte dans cette première année, comme elle l’avait été entre septembre 2008 et avril 2009, puis de nouveau en 2011.

De ce point de vue, le schéma central pour les prochains mois va être très différent. Au-delà de ce rebond à partir d’un niveau extrême, se met en place une période de « tension », pour les gouvernements entre le contrôle de la pandémie, et la rapidité du redémarrage économique. Ainsi, on peut déjà observer que la tentative de redémarrage précoce de l’activité aux Etats-Unis commence à revenir en boomerang, avec une recrudescence des hospitalisations qui risque de ralentir in fine le rythme de réouverture de l’économie pour les prochains six mois. A contrario, la situation semble avoir été mieux gérée en Europe, et donc comme on peut l’anticiper à la vue des indicateurs d’activité à haute fréquence fourni par Google par exemple, l’accélération pourrait davantage se poursuivre sur la deuxième partie de l’année. On obtient par conséquent un profil de reprise d’activité pour les prochains trimestres qui place en tête la Chine, qui a bien géré la pandémie et peut donc plus rapidement retrouver ses niveaux d’activité antérieurs, voire les dépasser, ce qui entrainera au moins une partie du monde émergent, suivi de l’Union Européenne, et enfin des Etats-Unis qui ont rebondi plus tôt mais risquent maintenant de le payer un peu. C’est donc cette adaptation plus ou moins réussie à la vie « avec le Covid » qui va influencer le comportement des consommateurs désormais, et donc les comportements boursiers sectoriels.

La deuxième singularité de cette crise est bien-sûr l’intervention hors normes des banques centrales et des gouvernements. Mais là aussi, notre expérience des crises précédentes, et bien-sûr en particulier 2008, a été utile. C’est-à-dire que, autant on observait que certains gouvernements étaient mal préparés à gérer la crise sanitaire, autant il nous semblait probable qu’ils avaient tiré les enseignements de 2008 pour bien gérer une crise financière. Il nous semblait clair qu’ils allaient cette fois non seulement mettre les moyens, mais aussi et surtout, partager l’effort entre banques centrales et gouvernements.

Les montants astronomiques qui ont été mis sur la table sont connus, et ils vont sans aucun doute augmenter encore. Le Congrès américain va devoir voter un plan de soutien supplémentaire dans les prochaines semaines, et l’Europe également mettre au vote le plan de relance Européen tant attendu. A court terme, cela constitue bien entendu un soutien considérable pour les marchés.

Toutefois, le premier problème de ce sponsoring des marchés par les pouvoirs publics c’est que cette dynamique attire des comportements plus spéculatifs. C’est déjà le cas pour le marché-casino que constitue par exemple l’indice domestique chinois, où les titres bons marchés ont été en très forte hausse récemment mais qui, au vu de leur piètre qualité, mériteraient de le rester. Ce phénomène est annonciateur de volatilité des indices. C’est pour cette raison que le portefeuille actions de CP est resté scrupuleusement sélectif durant cette hausse des marchés, concentré sur les plus fortes convictions dans l’univers des valeurs de qualité. Cette sélection des titres constitue pour nous un des aspects de la gestion des risques.

Une autre leçon tirée des dernières années permet de comprendre, même s’il nous semble que ce paradigme arrivera bientôt dans sa zone limite, la divergence entre marchés actions et réalité économique : dès lors que la faiblesse de l’économie repousse à plus tard toute résurgence d’inflation des prix à la consommation, alors toute l’inflation produite par la création monétaire sans bornes se retrouve exclusivement dans le prix des actifs financiers. Et le maintien de taux d’intérêt obligataires très bas concomitant à des marchés actions très positifs s’explique aussi par cette logique.

La conséquence de cet écart persiste entre marchés financiers et réalité économique est que les actions Value, ou Cycliques, qui normalement sont celles qui tirent les rebonds de marchés, restent à la traine. Même si les marchés européens et émergents, comme on le pense, sont susceptibles d’enrayer leur sous-performance par rapport aux marchés américains, le style croissance continue de dominer

A partir de cette compréhension de la situation et de notre positionnement, nous suivons naturellement beaucoup d’indicateurs sur notre tableau de bord : l’évolution des taux d’épargne, qui va conditionner le rythme de reprise de la consommation, l’endettement des entreprises qui conditionnera l’évolution de l’investissement, l’emploi, et bien-sûr la situation sanitaire. Mais qu’est-ce qui nous empêche le plus de dormir le soir ? Principalement l’évolution de la fuite en avant des Banques centrales et gouvernements. Car cette fuite doit éviter deux écueils : celui d’un arrêt brutal, avec un retour forcé à l’orthodoxie budgétaire, et celui d’un dérapage incontrôlé. En effet, un coup de frein provoqué par le vertige de finances publiques à la dérive non seulement exposerait les économies occidentales à une rechute, assortie d’un sous-emploi socialement explosif, et de plus ôterait le carburant désormais indispensable à la bonne tenue des marchés. A contrario, une perte de contrôle du bilan des banques centrales, que pourrait produire une monétisation sans limite des multiples déficits budgétaires, pourrait mener à de très dangereuses interrogations sur la crédibilité des grandes monnaies, et ainsi à de sérieuses interrogations aussi sur les actifs risqués.

La visibilité sur ce type de risque est aujourd’hui est très faible, et la question peut sembler très prématurée. Mais il nous semble que détenir l’équivalent d’une police d’assurance pour ce risque se justifie néanmoins, et c’est le sens de nos positions importantes sur les valeurs aurifères.

Ces six premiers mois de l’année ont constitué un bon concentré de ce que doit délivrer la gestion d’un fonds Patrimonial : démontrer une véritable flexibilité dans les périodes de très fortes turbulences, ne jamais perdre le cap des moteurs de performance à long terme, ne pas négliger les risques extrêmes même quand ils peuvent paraitre très éloignés, et plutôt que prétendre tout prévoir, essayer d’être prêt à tout. La seconde partie de l’année promet d’être également très exigeante.

 

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