Cette semaine encore, les marchés attendaient, fébriles, que la FED vienne conforter leur scenario par un ton plus accommodant, un discours rassurant sur l’inflation et de potentielles baisses de taux à l’horizon…
Mais il n’en fut rien et, encore une fois, l’institution américaine, comme sa consoeur européenne, est venue marteler que les conditions économiques, financières et monétaires nécessitaient une politique de taux durablement plus élevée. Elle suggéra même qu’une prochaine hausse pourrait être envisageable avant la fin d’année, alors même que la plupart des observateurs se réjouissaient en cette rentrée que les phases de hausses de taux soient probablement terminées.
De notre côté, nous ne sommes pas surpris par ce discours qui conforte le positionnement que nous défendons depuis plusieurs mois : des obligations d’entreprises à forte prime de crédit sur des maturités courtes qui rémunèrent autant ou plus que les maturités plus longues, mais bénéficient 1/ d’une sensibilité aux taux beaucoup plus faible dans un contexte de hausse des taux longs encore en cours, 2/d’une bonne visibilité sur l’évolution des bilans et la qualité de crédit du fait de la prudence des entreprises et de la très faible probabilité d’un retournement de conjoncture suffisamment violent, a fortiori en Europe, pour rendre des entreprises de qualité intermédiaire insolvables en 3 ans…
Et chaque observation, au grand dam des défenseurs de la baisse des taux, renforce ce positionnement et cette patience à se positionner sur les taux longs :Et chaque observation, au grand dam des défenseurs de la baisse des taux, renforce ce positionnement et cette patience à se positionner sur les taux longs :
• Les regains réguliers d’inflation sur telle ou telle partie du panier de consommation : agroalimentaire, services, plus récemment les combustibles
• Le relais des salaires lié à des négociations de plus en plus dures et généralisées entre salariés et employeurs, comme en témoigne la grève du secteur auto aux USA dont la principale revendication est une augmentation massive de 40% des salaires sur une période de 3 ans. On relèvera d’ailleurs que cette grève commune aux trois plus grandes entreprises de l’automobile constitue une 1ère historique et est soutenue par 75% des Américains, ce qui marque bel et bien un sujet national susceptible de se propager à d’autres secteurs.
• Le relais des loyers qui pourrait venir dans un second temps et représente une part significative de l’inflation avec près de 40% du panier de consommation : la hausse des taux a rendu en quelques mois l’immobilier peu attractif au regard de sa rentabilité de deux points de vue : 1/ face à un investissement obligataire plus liquide, plus sûr et moins contraignant en termes de gestion, 2/ face aux coûts de financement qui ont bondi et sont actuellement pour beaucoup d’acteurs plus élevés que la rentabilité de leurs investissements. Il n’y aura ainsi que deux sorties possibles : soit une chute drastique des prix des actifs immobiliers, qui a déjà commencé sur certains actifs comme en témoigne les révisions de prix de quelques SCPI, soit une augmentation significative des loyers, propre à faire augmenter le rendement moyen des actifs immobiliers d’au moins 300 à 400 points de base, c’est-à-dire à peu près la hausse de taux de la BCE… Il est probable que les deux options réalisent chacune une partie du chemin mais que la hausse des loyers, sujet politique et social s’il en est, soit largement lissée dans le temps, ce qui crée des réserves d’inflation de quelques dizaines de points de base pendant encore plusieurs années. Et qui laisse à penser que l’ajustement se fera d’abord exclusivement par une baisse des prix de l’immobilier, peut-être plus forte qu’anticipée par les marchés, puis un retour à meilleur fortune progressif en parallèle de la hausse des loyers.
Par Matthieu Bailly, directeur général délégué et gérant obligataire.
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