Alors que la BCE annonçait cette semaine sa probable dernière hausse de l’année 2023, marquant pour beaucoup d’analystes la fin de sa phase de resserrement monétaire, nous nous tournerons pour notre part vers le marché du crédit, ayant déjà à mulitples reprises donné notre avis à ce sujet.
C’est en effet un évènement relativement rare qui se produisait ce jeudi avec l’annulation de l’émission Fnac Darty quelques heures après son lancement, l’occasion pour nous de faire un point sur le marché du ‘High Yield’, sur lequel nous avons considéré depuis plusieurs mois que le rapport rendement/risque était le meilleur.
Après avoir réalisé son roadshow FnacDarty proposait ainsi une obligation de maturité 2029 à 5.625% de rendement, l’objectif de cette émission étant de refinancer son obligation 2024. Pour décider de prêter ou non à une entreprise, les investisseurs obligataires en font une analyse absolue autant que relative. Si du point de vue absolu on peut considérer que FnacDarty a une notation de crédit correcte de BB/BB+ et une probabilité de faillite relativement faible à horizon 6 ans, du point de vue relatif on peut noter quelques points en défaveur de cette nouvelle émission :
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Un rendement équivalent à l’obligation FnacDarty 2027 : pour deux ans de plus d’engagement, l’investisseur ne se voyait offrir aucune prime de rendement, ce qui est contraire à la logique du rapport rendement/risque. Il est vrai que les courbes de taux sont actuellement souvent inversées ou plates sur les taux souverains et les émetteurs de qualité mais plus on se dirige vers les entreprises risquées moins cette déformation de courbe, plutôt liée à la macroéconomie, est acceptable par les créanciers.
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Un rendement limité au regard de ce qu’on peut trouver par ailleurs : actuellement la moyenne des obligations BB existant sur le marché offrent déjà un rendement de 5.5% sur un horizon 6/7 ans. Avec son rendement de 5.6%, FnacDarty payait quasiment la même chose que ce que les investisseurs ont donc déjà en portefeuille. Pourquoi faire un arbitrage pour si peu ?
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Ce d’autant plus que le secteur au sein duquel opère cet émetteur est cyclique, ce qui est actuellement un risque supplémentaire pour les investisseurs. En effet, alors que l’inflation et le cycle restrictif des banques centrales pèsent déjà sur la consommation, il est plus probable que les entreprises du secteur voient leur compte de résultat se dégrader dans les années à venir que s’améliorer, à moins bien sûr de cas très particuliers, par exemple d’entreprises en recovery, d’augmentations de capital ou introductions en bourse propres à améliorer la qualité de crédit indépendamment de la conjoncture opérationnelle ; mais rien ne semble dans les tuyaux sur ces sujets concernant FnacDarty.
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Des covenants peu protecteurs pour l’investisseur, et en particulier plus lâches que ceux des souches existantes de l’émetteur sur plusieurs points : à force de rendements faméliques en fin de décennie 2010, les investisseurs avaient fini par accepter toutes les conditions pour quelques points de base de rendement et on observait des prospectus très peu protecteurs pour les investisseurs obligataires, augmentant non pas la probabilité de défaut mais la perte potentielle en cas de défaut. Alors que les taux ont fortement rebondi depuis 2022 et que les opportunités de rendements significatifs se trouvent un peu partout, les entreprises ont dû revoir leur copie et revenir à des prospectus plus équilibrés – une réalité dont FnacDarty a manifestement cru pouvoir se départir… A tort.
En conclusion, le marché du High Yield a montré hier qu’il n’était pas prêt à tout acheter et FnacDarty n’est pas parvenu à y lever 300 millions d’euros, montant somme toute limité, pour se (re)financer. Gare ! crieront certains, inquiets que cet échec constitue les prémices d’un retournement sec du marché après quelques mois porteurs.
Matthieu Bailly, directeur général délégué et gérant obligataire
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